En décembre 2022, Ressources et Carrières partenaire de Seine Ouest Entreprise et Emploi a animé un webinaire pour apprendre à renforcer ces compétences et développer son intelligence émotionnelle.
Notre synthèse ci-dessous :
L’émotion vs la raison
Les êtres humains que nous sommes sont dotés de grandes capacités de raisonnement et aussi d’un large spectre d’émotions. Pendant longtemps, la raison était valorisée – avec l’esprit cartésien et le QI bien mis en avant – et opposée à l’émotion que l’on essayait de réprimer ou nier, surtout dans un environnement professionnel. Or les recherches récentes en psychologie et en neurosciences, en particulier celles d’Antoni Damasio dans les années 1980, ont montré que l’émotion et le raisonnement sont très liés. Nos émotions nous aident à comprendre les autres et le monde qui nous entoure, à raisonner et prendre des décisions. Elles sont en fait nos alliés à l’instar de la peur qui alerte du danger pour nous protéger des prises de risque excessives.
Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?
La notion d’intelligence émotionnelle est issue des travaux des psychologues Mayer et Salovey (Université de Yale, États-Unis) et popularisée par Daniel Goleman dans les années 1990. Selon eux, il s’agit d’une autre forme d’intelligence qui permet de percevoir, de comprendre ses émotions et celles des autres et, dans une situation donnée, de se réguler soi-même et adapter son comportement dans les relations aux autres. Cette habileté permet de construire des relations saines, de générer la coopération, elle favorise le bien-être pour soi et les autres. Ainsi, un individu incapable de comprendre ce qu’il ressent et de décoder les émotions des autres a plus de risques de se comporter de manière inadaptée dans son quotidien comme dans son travail.
Quels sont les enjeux pour l’entreprise ?
À l’heure où l’intelligence artificielle et la robotisation remplacent l’humain dans des tâches de plus en plus complexes, les compétences techniques seules ne suffisent plus pour réussir dans son travail, en plus du fait qu’elles peuvent devenir obsolètes rapidement. Par conséquent, le niveau de maîtrise des compétences métiers (les hardskills) n’est plus le seul facteur prédictif de l’efficacité et de la performance d’un salarié. Qui voudrait travailler avec un collègue techniquement compétent, mais qui ne s’entend avec personne dans l’équipe ? Par ailleurs, les changements organisationnels et les nouvelles méthodes de travail – management par projet, travail collaboratif, équipe pluridisciplinaire, co-construction, etc. – exigent que chacun soit capable de travailler en bonne intelligence avec de multiples interlocuteurs, collègues et partenaires.
Et dans une situation difficile ou de crise, il est attendu d’un leader qu’il soit capable de maîtriser ses émotions pour prendre des décisions pertinentes, d’adopter la bonne attitude pour apaiser les inquiétudes, et trouver les bons mots pour relever le moral de son équipe. De même, des projets de transformation de l’entreprise sont voués à l’échec dans la plupart des cas si le facteur humain est négligé. C’est pourquoi les professionnels RH mettent de plus en plus l’accent sur des softskills et des compétences relationnelles qui font la différence entre les profils. Or ces habiletés, qui relèvent de l’intelligence émotionnelle, sont peu prises en compte dans les formations initiales.
Est-il possible de développer les compétences émotionnelles et relationnelles ?
Même si, selon certaines recherches, l’intelligence émotionnelle serait positivement liée à certains traits de personnalité comme l’agréabilité et l’ouverture aux nouvelles expériences, l’apprentissage joue un rôle essentiel. Démarrant dès notre plus tendre enfance, le développement de cette intelligence particulière ne s’arrête pas à l’âge adulte. Il nous est effectivement possible à tout âge de renforcer ces habiletés en développant une meilleure connaissance de soi, l’empathie, la maîtrise de soi et des aptitudes sociales adaptées aux normes du milieu dans lequel nous vivons.
Les programmes de développement de l’intelligence émotionnelle et relationnelle sont assez répandus Outre-Atlantique et se basent souvent sur une approche proposée par les chercheurs de l’Université de Yale sous l’acronyme RULER (Recognizing, Understanding, Labeling, Expressing, Regulating). Les programmes RULER visent à développer ces cinq compétences clés :
- Reconnaitre les émotions chez soi et chez les autres
- Comprendre les causes et conséquences de ces émotions
- Nommer les émotions avec un vocabulaire exprimant des nuances
- Exprimer les émotions selon les normes culturelles et sociales
- Réguler les émotions avec des stratégies efficaces
En apprenant à reconnaître, nommer et exprimer ce que l’on ressent (colère, peur, frustration…), nous serons plus à même de le percevoir chez autrui, à en comprendre les causes ou identifier les besoins derrière ces émotions, ce qui nous aide à mieux accepter l’expression émotionnelle de l’autre et à modifier notre perception de la situation.
Dans les situations de travail, les conflits interpersonnels fréquents au sein des équipes, entre managers et collaborateurs génèrent du mal-être et font partie des facteurs de risques psycho-sociaux. Développer les compétences émotionnelles chez les managers et les salariés peut contribuer à améliorer les relations au travail et l’efficacité des équipes, puisqu’elles favorisent la régulation des émotions pour restaurer la communication interpersonnelle.
Concrètement, comment aller plus loin ?
Prendre conscience de l’impact de l’émotion sur l’efficacité et la qualité de vie au travail doit amener l’entreprise à réfléchir sur le développement des habiletés émotionnelles au sein de l’équipe.
Les managers sont concernés en premier lieu, car leur état émotionnel influe sur celui de l’équipe. Des outils individuels, par exemple l’inventaire de personnalité pour approfondir la connaissance de soi et de son fonctionnement, peuvent être proposés aux managers ainsi que le coaching professionnel dans certaines situations. Pour tous les membres de l’équipe, des formations collectives peuvent être mises en place pour les sensibiliser sur la question et, à travers l’analyse des situations concrètes, leur donner des clés pour gérer les émotions, prendre soin de leur « hygiène » émotionnelle, les aider à adopter une posture assertive et communiquer de façon non-violente.
Les habiletés émotionnelles devraient avoir leur place dans le plan de développement des compétences de l’entreprise, au même titre que les compétences relationnelles que l’on souhaite voir développer chez un commercial ou un chargé de clientèle.